Aujourd’hui encore, la basilique Saint-Michel renferme quelques surprenants vitraux médiévaux insérés dans des fenêtres gothiques, dont notamment un où figure le traditionnel Arbre de Jessé, illustrant la longue ascendance du Christ. Plus étonnant encore sont les vitraux contemporains que les visiteurs et pèlerins peuvent admirer. En effet, Bordeaux est bombardée le 21 juin 1940, les explosions soufflant une grande partie des baies de la basilique. À la fin de la guerre, on s’emploie donc à redonner à celle-ci de sa splendeur et un concours est lancé en 1954 pour la création de nouvelles verrières.
Des artistes modernes au service d’une iconographie traditionnelle
En faisant le tour de la basilique, sans s’aventurer dans la nef, ce sont les artistes Pierre Gaudin et Jean-Henri Couturat qui illustrent les grands épisodes de la vie du Christ et de quelques grands saints de l’histoire de l’Eglise. Ils reprennent ainsi les thèmes classiques de l’iconographie religieuse du vitrail dans un style résolument moderne.

Pierre sera chargé des 11 vitraux des collatéraux nord et sud. Il est l’héritier du célèbre atelier parisien Gaudin créé par son grand-père, qui après avoir démontré son talent dans sa ville d’origine, Clermont-Ferrand, acquiert une renommée internationale à l’Exposition universelle de 1900.
Un regard attentif s’attardera sur Le Massacre des Saints Innocents, dont les tons bleutés et le style emprunt de cubisme propre à l’artiste, font ressortir la cruauté dramatique de la scène. À l’inverse, dans Le Baptême du Christ, les teintes vives et chaudes viennent souligner le propos.

– La Basilique est un lieu incontournable pour celui qui a pris le chemin de Compostelle et arrive à Bordeaux.
Autour du choeur, dans le déambulatoire, le promeneur d’aujourd’hui – sur les traces du pèlerin d’hier – s’arrêtera devant le vitrail dédié à saint Jacques. C’est Jean-Henri Couturat qui rend compte de la vocation du saint dans un vitrail éponyme. Ici, l’artiste, peintre de formation classique et lauréat du prix de Rome, reprend la composition traditionnelle du vitrail médiéval à la verticale, où la rondeur du trait de l’artiste contraste avec la brutalité du style de Gaudin.
L’abstraction, support d’une interprétation plus intime
Enfin, après avoir fait le tour de la Basilique, on se laissera à la contemplation des verrières résolument contemporaines et abstraites du choeur et de l’abside de Max Ingrand. Cet artiste français est certainement un des plus prolifiques entre 1945 et 1965. Si avant la Seconde Guerre mondiale, il commençait déjà à travailler pour de prestigieux édifices, sa créativité prodigieuse l’emmène sur plus de 200 chantiers à travers la France et à l’étranger dont de nombreuses cathédrales et certains châteaux de la Loire. À Saint-Michel, il est également l’auteur des vitraux du transept nord. L’abstraction, à contre-courant des scènes figurées précédentes, permet ici de laisser libre court à la sensibilité de chacun, portée par le jeu subtil des formes et des couleurs.

Les vitraux de Saint-Michel ne sont pas les seuls éléments remarquables de cette basilique si chère au coeur des bordelais, mais l’ensemble constitue un véritable concentré de formes artistiques nouvelles qui apparaissent dans la seconde moitié du XXème siècle. Des vitraux, entre brutalité, rondeur, abstraction et colorimétrie saturée, symboles d’une Europe qui se reconstruit et cherche son identité après les horreurs d’Après-guerre qui ont assombri le monde.
Écrit par Blanche de Balincourt.
Photos par Asgeir Pedersen, Spots France.